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Prendre en considération l'ensemble des besoins d'un malade atteint d'Alzheimer

"Aujourd’hui, je constate un degré supplémentaire qui me bouleverse : « Les soignants s’engagent. » Pour moi, quand on s’engage cela veut dire que, avec nous qui sommes les familles, vous allez mener une guerre contre cette maladie. Une guerre dont je suis obligée de dire que nous l’avons, depuis trop longtemps et encore trop souvent, menée seules. Maintenant, vous vous engagez dans cette guerre avec nous et c’est fantastique."

Par: Catherine Ollivet, Présidente du Conseil d’orientation de l’Espace de réflexion éthique de la région Ile-de-France, Présidente de France Alzheimer 93 /

Publié le : 17 juin 2003

Texte extrait de La Lettre de l'Espace éthique HS n°1, "Alzheimer, les soignants s'engagent". Ce numéro de la Lettre est disponible en intégralité en suivant le lien situé à la droite de la page.

 

Une nouvelle alliance entre familles et professionnels

Dans le cadre de ces réflexions, je représente un peu “l’originalité” parce que je ne suis pas professionnelle. J’ai pourtant une certaine compétence quand même pour parler de la maladie d’Alzheimer, comme fille de malade et accompagnant des familles depuis dix ans avec France-Alzheimer.

J’aimerais surtout témoigner d’une réalité qui me frappe tout particulièrement : l’évolution, en cinq ans, du vocabulaire des soignants. Il y a encore cinq ans, j’entendais prononcer le plus souvent : « Prendre en charge un patient Alzheimer. » Pour une famille, une telle formulation est très pénible.

On a l’impression de faire porter aux soignants un fardeau insurmontable. Le moins que l’on puisse dire, c’est que cette expression n’est vraiment pas positive. Il y a à peu près quatre ans, pour la première fois lors d’un colloque organisé par le Professeur Robert Moulias, une infirmière a tenu un discours pour moi nouveau :

« Prendre en considération l’ensemble des besoins d’un malade Alzheimer. » Ce jour là, j’ai pu répondre au soignant : « Quand on parle de prendre en considération l’ensemble des besoins, alors la famille ne peut être que votre partenaire. » Parce que dans l’ensemble de ces besoins, il y a les attentes affectives du malade mais aussi celles qu’il adresse à sa famille qui lui assure cette vie quotidienne vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept et pendant de nombreuses années. Il convient de le rappeler, 80 % des malades Alzheimer vivent à domicile avec un membre de leur famille, le plus souvent le conjoint.

Aujourd’hui, je constate un degré supplémentaire qui me bouleverse : « Les soignants s’engagent. » Pour moi, quand on s’engage cela veut dire que, avec nous qui sommes les familles, vous allez mener une guerre contre cette maladie. Une guerre dont je suis obligée de dire que nous l’avons, depuis trop longtemps et encore trop souvent, menée seules. Maintenant, vous vous engagez dans cette guerre avec nous et c’est fantastique.

Ce qui est fantastique aussi : quand on parle de guerre, on doit se donner les moyens de la gagner. Et je ne connais pas d’autre moyen pour le moment, tant que la maladie restera incurable, que d’additionner nos compétences. Nous venons de suivre une présentation de toutes les compétences possibles visant à soigner et à prendre soin de nos malades. Il faut absolument intégrer les compétences des familles, au quotidien, dans cette alliance que je vous propose. Soyons tous alliés pour mener cette guerre et nous la gagnerons ! On peut combattre dès aujourd’hui, bien mieux qu’avant et il ne faut plus attendre. On peut faire mieux tout de suite si nous sommes tous alliés dans cette guerre.

Après vous avoir proposé, il y a quelque temps : « Soyons partenaires  », je vous propose maintenant ce mot “alliance”. Soyons alliés pour que nos malades reçoivent des soins avec la compétence à laquelle ils ont droit comme tout malade, mais aussi avec l’éthique nécessaire face à toute personne humaine, surtout lorsqu’elle est particulièrement fragile.

Mais on ne vit pas que de soins. On vit aussi de dignité, de qualité, d’amour et de tendresse. Et si nous sommes alliés, cette compétence partagée contribuera à cette qualité de vie indispensable qui procure ces temps de bonheur de vivre que peuvent espérer nos malades.

Tel est le défi que je lance aujourd’hui. Contre les habitudes, les pesanteurs et les isolements : soyons des alliés !