Alzheimer : Viser à une qualité exemplaire et reconnue des prestations de soin

"Tout notre engagement s'inscrit dans un combat plus large qui relève d'une interrogation : comment faire en sorte que les patients atteints d'Alzheimer soient reconnus comme des malades ? Tant qu'ils ne le seront pas, comment seront reconnus les soignants ?"

Publié le : 17 juin 2003

Texte extrait de La Lettre de l'Espace éthique HS n°1, "Alzheimer, les soignants s'engagent". Ce numéro de la Lettre est disponible en intégralité en suivant le lien situé à la droite de la page.

 

Dépasser nos culpabilités réciproques

Géront'Aisne est né d'un petit groupe de structures de soignants en recherche de légitimité. Un petit département : l'Aisne. Aujourd'hui, de l'Aisne à l'Ile-de-France, avec une trentaine d'établissements publics et privés à but lucratif et associatifs, nous avons fait le choix de nous battre ensemble en faisant tomber les écueils habituels.

Si, dans un premier temps, nous avions besoin de nous rencontrer pour échanger, aujourd'hui nous travaillons sur les prestations et sur la manière de les rendre opérationnelles. Pour nous, ces prestations s'appelleraient : formation, information, reconnaissance, échange et déculpabilisation. Mais quand nous pensons information et formation, nous demandons : par qui ? comment ? Comment faire en sorte que la formation et l'information deviennent permanentes et soient sans arrêt mises à jour ? Nous ne le savons pas. Nous posons la question non seulement aux soignants et aux administratifs, aux familles et aux cadres mais, nous le souhaitons profondément, aux personnes malades elles-mêmes, en termes de formation, d'information et de dialogue. Ceci afin que les choix deviennent possibles pour le malade comme pour la famille. Qui dit dépistage précoce, dit capacité précoce d'envisager un dialogue et une information mutuels.

Il est vrai que, par ailleurs, nous pensons nécessaire, avec les patients comme avec les familles, d'avoir des rendez-vous réguliers pour faire le point, y compris sur l'évolution des thérapeutiques. Tout cela dans un combat plus large qui relève d'une interrogation : comment faire en sorte que les patients atteints d'Alzheimer soient reconnus comme des malades ? Tant qu'ils ne le seront pas, comment seront reconnus les soignants ?

Comment expliquer aux soignants institutionnels qui accompagnent des malades atteints de troubles neuro-dégénératifs jusqu'au bout de la vie, que la reconnaissance à leur égard est moindre que celle de ceux qui œuvrent dans les unités de soins palliatifs ? Ne s'agit-il pas, au contraire, d'unités très spécialisées dans lesquelles la complexité est immense ?

Nos travaux visent aussi à diminuer les pertes de chance qui sont bien souvent géographiques. Comment y parvenir ? En développant les centres experts, en faisant en sorte que public et privé puissent se répartir les modalités d'expertise à travers une région ou plusieurs départements. Ce n'est pas acquis, même si les contacts que nous avons avec nos tutelles nous font espérer que notre réseau pourrait être en passe de définir de nouvelles modalités de fonctionnement.

Comment gagner aussi cette bataille sinon en établissant la transversalité dans les formations de nos soignants et de nos équipes ? Ne pas rester sur un seul et unique lieu de travail. Comme pour une famille, et comme pour un aidant : le soignant a besoin de souffler et d'avoir un sas. On évoque bien l'hébergement temporaire, le centre de jour et l'accueil de jour… Et pour le soignant, lui, quel sera son hébergement temporaire, son accueil de jour, son centre de jour ? j'invite à y réfléchir. Lui aussi en a besoin, tout comme la famille et le malade.

Pour nous, c'est aussi cette certitude que, pour déculpabiliser, pour que la dignité redevienne possible, seul peut y contribuer un maillage très complet, pas seulement de notre territoire mais en termes de services à rendre, qui pourra s'adapter à tous les besoins, aux travers de prestations d'excellente qualité. En effet, nous savons que les familles vivent une culpabilité lourde. Nous sommes confrontés à la même culpabilité dans nos actes de soin : nous avons besoin d'être rassurés.

Il faut que l'on nous prouve que la qualité des prestations est et demeurera exemplaire. On a besoin d'une qualité exemplaire de prestations. Les soignants ont besoin de cela, parce que, eux aussi vivent l'identification, le rejet, la fragilité, et seul le sentiment d'une qualité exemplaire et reconnue des prestations de soin peut atténuer cette impression diffuse mais si actuellement présente de n'en faire jamais assez, d'en faire trop parfois ! De faire mal et d'avoir mal souvent…

Voilà les quelques éléments que je souhaite livrer. Vous avez peut-être remarqué qu'à l'extérieur, nous avons, par nos travaux de recherche, essayé de donner aux familles, aux soignants mais aussi aux malades la possibilité de réfléchir sur une éventuelle demande d'hébergement temporaire. Il s'agit là d'un an de travail d'une commission au sein du réseau, avec un certain nombre de guides permettant de réfléchir pour savoir si l'on peut encore rester en famille, à un moment donné dans l'évolution de la maladie.