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Entretien avec Alice Rivières
Alice Rivières nous parle du quotidien d'une personne porteuse de la maladie de Huntington
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Les Journées d'éthique 2019
Captation des Journées Éthique, Alzheimer et maladies neuro-évolutives 2019
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Vers une société bienveillante
Un manifeste écrit avec et pour les personnes atteintes de maladies neuro-évolutives
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Éthique et relation de soin au domicile
Comprendre les enjeux propres à l'accompagnement au domicile
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Alzheimer, maladies apparentées, éthique & société
Version 2018 de la Charte Alzheimer, présentée lors de l'Université d'été
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Avis Alzheimer, éthique, science et société
Panorama des enjeux éthiques et sociétaux liés aux maladies d'Alzheimer et apparentées
"J’essaie d’ajuster ma tête et mon corps"
"La privation de la parole m’a fait comprendre ce que parler veut dire. Eh bien parler signifie peut-être vivre en paix. Je vois la maladie neuro-dégénérative, en particulier la SLA, comme une monstruosité. Quelle peut bien être sa signification ? Que nous montre-t-elle ?"
Publié le : 23 Juillet 2015
À quelques jours de l'Université d'été 2015 Éthique, société et maladies neurodégénératives, l'Espace éthique vous propose ce témoignage de Frédéric Badré, autour et touché par la maladie.
Mon corps et moi nous ne nous entendons plus. Je ne le reconnais plus. La maladie neuro-dégénérative qu’est la SLA a provoqué une sorte d’accélération dans le temps. Jour après jour toutes mes forces diminuent. Mon corps m’a projeté en un clin d’œil hors la vie. Et ma tête, impuissante, assiste à ce phénomène désolant. On pourrait définir la santé comme un ajustement entre le corps et l’esprit. La maladie, comme un désajustement. Je ne reconnais que la voix de ma conscience. Elle s’exprime sans difficulté en mon for intérieur. Bien souvent, je l’entends me demander : comment est-ce possible ? L’expérience de la maladie neuro-dégénérative est pour moi une expérience de la dissociation entre ma tête et mon corps. Lui veut mourir. Elle, refuse.
Je suis devenu un fardeau pour mon entourage. Ma femme et mes enfants doivent s’occuper d’un boulet. Les difficultés d’élocution provoquent sans arrêt des tensions. Tout le monde s’énerve. Eux parce qu’ils ne comprennent pas ce que je demande. Et moi parce que j’ai l’impression d’être bâillonné, comme Papageno dans La Flûte Enchantée. Par dessus le marché, l’hyper salivation m’oblige souvent à m’exprimer au moyen de petits gémissements ridicules. Si j’ouvre la bouche en marchant, un flot de bave inonde mon cou. Ou alors, je l’avale de travers et me voilà secoué par d’interminables quintes de toux. Impossible de faire deux choses en même temps ! Cette situation est source de violence. Nous devons apprendre à maîtriser cette violence.
La privation de la parole m’a fait comprendre ce que parler veut dire. Eh bien parler signifie peut-être vivre en paix. Je vois la maladie neuro-dégénérative, en particulier la SLA, comme une monstruosité. Quelle peut bien être sa signification ? Que nous montre-t-elle ? On se dit parfois que le bonheur n’est pas gratuit. Et même l’instant extatique, par exemple devant un tableau magnifique, peut-être qu’on en paie le prix sans s’en douter. Le mystère demeure. Que penser dans ces conditions de la maladie ? J’avance pas à pas dans cette forêt obscure. J’aimerai comprendre. Job lui aussi voulait comprendre. Il ne percevait pas la cause de son malheur. Lui aussi se voyait injustement condamné. Nous n’avons pas d’autre choix que d’accepter l’épreuve. Je chemine dans la maladie avec en tête des objectifs modestes. Ainsi, j’essaie d’ajuster ma tête et mon corps. En somme, c’est peut-être une bonne définition de la vie.